Portrait du Père Michael O'Sullivan
Une vie missionnaire de l’Algérie aux pays du Golfe, en passant par le Soudan et la Terre Sainte
Les origines de la vocation
Avec ses 60 ans fraichement célébrés, Père Michael a accepté de nous
partager son parcours missionnaire, notamment sa vocation précoce,
à 18 ans.
Né dans une famille irlandaise catholique pratiquante à l'ouest du pays, il
dit avoir toujours été attiré par le service, et cela se manifeste notamment
par le chant. Père Michael appartient d’ailleurs toujours à différents chœurs.
Scolarisé dans un internat tenu par des Moines trappistes, il y rencontre les Pères Blancs, alors peu connus en Irlande, venus présenter leur congrégation.
Les Pères Blancs ayant ouvert une route missionnaire à Taizé, il les rejoint pour un camp au Carmel de la Paix, un couvent de l'Ordre du Carmel en Bourgogne. Le bac en poche, mais n’ayant que 17 ans, son père l’invite à faire un stage d’un an dans un grand supermarché, afin de prendre le temps de discerner
Formation et premiers pas missionnaires
Il plonge finalement l’année d’après. Deux ans de philosophie à Dublin, puis une année de noviciat à Fribourg où Père Michael rencontre un autre novice qui venait de faire sa coopération à Tayybeh, un petit village chrétien proche de Ramallah en Palestine et qui en était rentré fasciné. Il ne parlait que des Églises Orientales et des musulmans matin, midi et soir. Grâce à lui, il saisit la mission des Pères Blancs en terre musulmane et demande alors à partir à Ghardaïa, à 600 km au sud d’Alger, dans une région très conservatrice, berceau des Mozabites, une communauté religieuse proche des Chiites. Il y passe deux années avec une activité pastorale très limitée et il se mit au fond dans l’apprentissage de l’arabe, langue qu'il parle maintenant couramment.
Il est conquis par son nouvel environnement, notamment par l’hospitalité sacrée des arabes. Il trouve également qu’il y a quelque chose de très beau dans la spiritualité musulmane. Lors de nos échanges, je l’entends dire à plusieurs reprises qu’il « rentre » en Algérie, ou encore dans le Golfe, comme s’il parlait d’un retour en Irlande !
Il passe ensuite deux années à Toulouse (France) pour étudier la théologie, et poursuivre son apprentissage de l’arabe. Cette Ville Rose, un berceau de culture, ainsi que la région du Sud-Ouest, ont laissé en lui des souvenirs très marquants.
Ordonné en 1991 en Irlande, il repart en Algérie, au début de ce qu’on nomme la décennie noire.
Il part ensuite à Rome pour affiner sa spécialisation en arabe classique au PISAI (Institut Pontifical d’Études Arabes et d'Islamologie). Toujours à l’affut de tout ce qui se passe en terre arabe, il découvre dans le journal The Tablet (un hebdomadaire catholique britannique) une annonce publiée par un prêtre américain isolé à Doha. Père Michael appelle alors le vicaire apostolique d'Arabie Bernardo Gremoli qui lui propose de le rejoindre. Il réalise alors sa première visite aux Émirats en 1994, et passe quelques semaines à Sharjah et Al Ain.
L'expérience en Algérie et la période difficile
Il espérait ensuite rentrer en Algérie, mais ses supérieurs le nomment au Soudan. C’est à ce moment que Père Michael perd son ami, Père Christian Chessel, ainsi que trois autres de ses confrères à Tizi Ouzou en 1994, tués «en haine de la foi» - selon l’expression consacrée. Ces quatre Pères Blancs ont été béatifiés le 8 décembre 2018 avec 15 autres religieux tués en Algérie entre 1994 et 1996. Père Michael a été très marqué par cette perte.
Au Soudan, il dirige une école de langue. Il y enseigne l’arabe à des ONG et à d’autres missionnaires. La situation matérielle et le climat y sont très difficiles.
Il assiste à l’introduction de la charia dans les années 90 au Soudan.
Père Michael y célèbre dans le rite grec-catholique melchite qui l’interpelle.
Aussi il demande une année sabbatique afin d’étudier six mois dans le monastère Notre-Dame de Balamand, un séminaire et monastère orthodoxe près de Tripoli (Liban). Puis il part à Rome finir son Master en Arabe et Islamologie.
Après cela, Père Michael est envoyé à Jérusalem, pour être coordinateur de la Maison d’Abraham, créée par le Secours Catholique – Caritas France en 1964, pour accueillir les pèlerins et voyageurs de toutes religions et les communautés et associations locales et internationales qui œuvrent pour la paix et le développement en Israël et en Palestine.
En 2012, il est nommé par Mgr Paul Hinder, alors évêque aux Émirats Arabes, pour mettre en place l’économat et l’administration dans ce grand vicariat de trois pays : UAE, Oman et Yémen.
Il est nommé recteur de Notre Dame d’Afrique à Alger.
Mission aux Émirats et organisation de la visite papale
Mgr Paul Hinder le rappelle pour organiser en quelques semaines la Messe célébrée par le Pape François à Abu Dhabi en février 2019 où assistent environ 180 000 fidèles.
Fasciné par la liturgie byzantine et la spiritualité orientale, il souhaitait passer du temps dans un monastère en Russie, mais il part six mois dans un monastère finlandais.
Depuis cinq ans, Père Michael partage son temps entre la gestion d’une grande maison pour Pères Blancs âgés à Dublin, et ses responsabilités administratives dans le Vicariat de l’Arabie du Nord.
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Lors de notre entretien, Père Michael a partagé quelques réflexions sur sa mission de Père Blanc en Terre d’Islam et a livré ses observations sur les relations entre chrétiens et musulmans, soulignant l'importance du respect mutuel et du dialogue interreligieux dans les différents contextes culturels qu’il a connus, en Algérie, au Liban, au Soudan, ou dans le Golfe.
Père Michael confie avoir été très inspiré par l’islamologue français Louis Massignon, catholique converti alors que précisément il découvrait l'Orient et l'Islam et son maître St Charles de Foucauld. Louis Massignon prônait la nécessité de la réconciliation des «religions abrahamiques» sur le plan spirituel.
A son instar, Père Michael est passionné par le dialogue interreligieux avec l’Islam.
Selon lui, les Musulmans ont beaucoup à nous apprendre sur le sens du sacré et la valeur de la famille.
Le sens du sacré, parce qu’il implique le respect, la pudeur, dans une société actuelle où règne une grande confusion, où tout semble possible, placé sur un pied d’égalité…
La valeur de la famille, qui englobe des principes d'amour, de soutien, de fraternité, de respect, de communication et de responsabilité, essentiels pour le bien-être et le développement des individus.
Entretien et rédaction : Guillemette, qui remercie Caroline pour ses conseils avisés
Les Missionnaires d'Afrique forment une société de vie apostolique missionnaire de droit pontifical également connus sous le nom de Pères blancs (à ne pas confondre avec les missionnaires de la Société des missions africaines de Lyon fondée à la même époque).
Dans une époque de famine consécutive à l’épidémie de choléra de 1867, qui laisse un grand nombre d'orphelins, Mgr Charles Lavigerie, alors évêque d’Alger, fonde la société des Missionnaires d’Afrique à El-Harrach dans le but d’instruire ces enfants orphelins qu’il recueille par centaine.
Mgr Lavigerie n'avait pas le souci de doter la société des Pères Blancs d'une spiritualité propre. Ce furent donc les jésuites au début qui formèrent les séminaristes, ce qui explique encore aujourd'hui le caractère ignatien de leur famille. Mgr Lavigerie donnait souvent en exemple des figures telles que celles de saint Vincent de Paul, apôtre de la charité, de saint Ignace de Loyola, apôtre de la foi ou de Jean-Jacques Olier, apôtre de la sainteté ecclésiastique.